24 Février 2017
Girl from the North Country par Bob Dylan
Avant de poursuivre mon histoire à Clermont Ferrand, je dois aborder encore quelques points sur la Bergerie de Sarpoil.
Pour tenir une affaire dans un tel coin, il a fallu beaucoup de travail. La réussite aux différents concours nous a beaucoup aidés.
Après l’attribution d’une étoile au Guide rouge Michelin, les autres grands guides gastronomiques n’ont pas tardé à nous reconnaître. Le Gault et Millau nous a accordé une toque. En 1989, 16 /20 au Gault et Millau, 3 points au Guide Champérard et 2 assiettes au guide Pudlowski.
A l’occasion de notre première étoile à la « Bergerie de Sarpoil » , nous avons été invités avec Jean Yves, par une grande maison de champagne à Paris, en même temps que tous les nouveaux étoilés de l’année du Guide rouge Michelin, une , deux , trois étoiles.
Ce fut une fête très riche en émotion et en rencontres. Nous avons été accueillis dans un grand Hôtel Parisien « Le Concorde » sur les Champs Elysées. Un grand repas avait été organisé aux folies bergères et servi à tous les promus de la France entière. Nous n’étions pas habitués à tant de luxe.
Nous faisions partie des plus jeunes restaurateurs étoilés, les autres pour la plupart étaient déjà connus par l’obtention de leurs étoiles précédentes et déjà bien installés.
Ces rencontres furent très sympathiques et décontractées.
A Paris, profitant de cette escapade, au hasard d’une promenade, rue de la Boétie, je découvris une boutique de dégriffés : ma caverne d’Aliba Ba. J’ai toujours aimé les beaux vêtements, la beauté des lignes, les couleurs, les beaux tissus, les belles coupes.
RÉUSSITE DE NOS APPRENTIS ET EMPLOYÉS
Entre 1978 et 1987 notre clientèle se développant parallèlement à notre évolution dans l’art de cuisiner, nous avons embauché du personnel : des apprentis en cuisine et en salle, une serveuse et des extras au service le week-end.
En novembre 1987, à Paris, au challenge européen de cuisine l’Auvergne crée la surprise et décroche la médaille d’argent. C’est notre équipe d’apprentis la plus jeune qui arrivent à trois points de la première équipe, avec Stéphane Féral, Jonathan Martin et Jean Marc Denis. Jean Yves était exigeant, « chiant » sans doute, mais avec des résultats.
J’ai pu constater que la plupart de nos apprentis ou employés de Sarpoil ou Clermont Ferrand, ont pour certains, bien réussi leur vie professionnelle et dirigé leur propre restaurant. Je pense à François Chaput, Catherine Fonbonne à Sauxillanges, Xavier Beaudiment « le Carré » à Durtol, qui vient d’obtenir sa deuxième étoile Michelin, Francis Lalitte « le caveau et, l’Adresse » à Clermont Ferrand, Lionel Marchepoil à Ambert, Saignié Valérie à Charroux etc… J’en oublie sûrement. D’autres sont devenus chef de cuisine ou maître d’hôtel dans divers restaurants.
NOS FOURNISSEURS
Nous avions un jardinier à Issoire, Fernand qui nous cultivait des petites tomates jaunes en forme de poire et des courgettes fleurs jusqu’à sa retraite. En l’observant avec sa binette, je revoyais mon père dans son jardin.
Sur le marché d’Issoire auprès des paysans de la région nous trouvions des merveilles. J’allais chercher à Saint Babel les fraises des bois à la belle saison, ça valait le détour, elles étaient fantastiques, nous faisions des raviolis caramélisés tellement parfumés que j’en ai encore l’eau à la bouche, j’ai retrouvé une photo d’eux sur le marché d’Issoire en compagnie de Jean Yves. Je repense à toutes ses personnes qui ont participé à la réussite et aux saveurs de nos mets, avec beaucoup d’amour. Grâce à eux, notre cuisine avait des accents lyrico-bucolique étonnants.
PARTAGE AVEC LES AMIS
Pour s’amuser Jacques Mailhot, chansonnier Riomois, était venu apprendre à cuisiner les poissons.
L’OMBLE CHEVALIER
Un autre de nos produits régionaux phare a été l’omble chevalier du lac Pavin.
Monsieur Vidal les pêchait et nous les livrait à Sarpoil. Ce poisson aux saveurs gustatives particulières a été longtemps présenté à nos convives, il était une de nos spécialités.
Un jour d’hiver Jean Yves était allé les chercher lui-même au lac Pavin. La chaussée était glissante et dans un virage, il a fini dans le fossé avec la « rancho verte », les ombles sur la tête. Après s’être fait hisser hors du fossé par le tracteur d’un agriculteur serviable, il était rentré parfumé tel un chevalier et tout penaud de sa mésaventure.
Suite à cet incident, notre voiture fut remplacée par une autre rancho mais de couleur blanche. J’adorais conduire ce véhicule.
Jusqu’au printemps 1986, nous envahissions les champs de nos voisins, dès qu’ils se paraient de leur toison d’or. Notre plaisir était de cueillir les fleurs de pissenlit épanouies. Chacun remplissait son petit seau de fleurs, il en fallait tellement pour fabriquer notre célèbre vin de pissenlit au parfum d’oranges. Après notre passage, les prés reverdissaient de leur tapis vert tendre.
En été, c’était la cueillette de l’aubépine à notre «Moulin de la Prugne » et la fabrication du vin d’aubépine. A l’Automne nous élaborions notre vin de coing. Tous ces vins nous servaient à la création de nos plats ou étaient servis en apéritif.
Le service en salle était efficace et la tenue vestimentaire, pour mes serveuses et moi-même était simple : soit une robe bleue nuit parsemée de petites étoiles noires soit une robe blanche rayée de fines rayures rouges. La cohésion de l’équipe était importante à mes yeux et je souhaitais par ce costume induire un lien fort dans cette unité. Ces robes étaient élaborées dans un tissu soyeux, facile d’entretien et de séchage rapide. C’était original, gai, pratique, mais la boutique parisienne m’avait reconnectée avec l’envie de porter de belles tenues, ou tout du moins le week-end. Toutes ces années je m’étais un peu oubliée et je ressentais le besoin d’y remédier.
Je repensais alors à ma vie à Nice, avec mon inséparable amie Danièle , étudiante avec moi dans la même école, nous avions comme passe temps favori d’aller admirer les belles vitrines de mode, quelquefois, je copiais les modèles, j’essayais de trouver le tissu le plus rapprochant, je m’inspirais de ces vêtements exposés et je les confectionnais moi-même, couture à la main, avec le petit point arrière. Je me revois encore dans mon petit ensemble bermuda et blouse légère, en fine percale de coton vichy rose et blanc. Sans gros moyen, je me débrouillais toujours à porter un vêtement de bon goût.
Danièle et moi, sommes toujours amies, elle m’a suivi dans mes différents déménagements, par ses visites exceptionnelles, car elle vit au Canada avec sa famille, et malgré notre éloignement nous partageons les péripéties de nos vies respectives.
LES PRÉPARATIFS
Suite à notre projet sur Clermont Ferrand je me suis inscrite à une formation complémentaire d’environ 300 heures, intitulée « Maîtrise de votre point de vente ». Ce n’était plus un restaurant mais deux qui allaient être créés, même trois pourrait on dire. Je souhaitais être une gestionnaire éclairée. Cette formation s’est couronnée par un franc succès et a transformé d’une façon révolutionnaire ma façon de gérer les affaires et a entraîné beaucoup plus de travail administratif.
Le stage m’a permis de mettre en place un système de gestion générale assez complexe qui se réalisait par des calculs précis où la vigilance était de rigueur, car les calculs automatiques n’existaient pas. A l’avènement de l’informatique ces mêmes tableaux ont été informatisés et quel soulagement de ne plus calculer manuellement et quel gain de temps !
Avec l’équipe d’architectes du Marché Saint Pierre nous avons organisé l’implantation de nos deux futurs restaurants.
La société «la Bergerie de Sarpoil » a été transférée à Clermont Ferrand et rebaptisée le restaurant gastronomique « Jean Yves Bath », j’en suis restée la gérante. Nous avons également créé une société anonyme nommée «Brasserie le Saint Pierre », qui se composait d'une brasserie et d'un bar à vins « le Clos Saint Pierre ».
Dans le prochain article je vous parlerais de mon arrivée à Clermont Ferrand.
Avant de clore mon article, je n'oublie pas les agréables promenades matinales quotidiennes avec mon chien Nowak sous la pluie ou le soleil, sur la route de Saint Jean en Val. Elles étaient physiquement nécessaires pour lui comme pour moi. Quelquefois Stéphane se joignait à nous et nous en profitions pour réviser les règles de grammaire ou les tables de multiplication.